mardi 23 novembre 2010

La rive


Les ajoncs étaient encore verts,
à leurs pieds la rivière coulait,
sempiternelle,
bouillonnante,
agitant sans cesse
chacune des particules
dont elle faisait son cours.
Parmi elles, probablement,
beaucoup avaient déjà fait ce chemin,
exactement celui-là,
ballotées par le cycle qui, sans cesse,
les ramène à la mer
pour les emporter de nouveau
vers les sommets,
dans un nouveau périple.
Tout était calme,
tout était ordinaire
et, dans ce flux tumultueux,
des molécules,
revivant leur destin,
me parlaient d’éternité.
Souvenir en brun

Certains matins,
je me souviens d’autres jours,
ceux de mon enfance,
les jours en brun,
mon père absent
qui n’en reviendrait pas,
ma mère accablée
la faim qui nous tenait,
la mort tout autour
qui tombait parfois du ciel
mais vous guettait aussi
au coin de la rue
le temps du brun,
celui des copains
qui s’en allaient,
étoile au coeur,
le kaki partout,
les hurlements des chiens
ceux des hommes tout autant
ce temps qu’on croyait
si loin
et qui, pourtant,
semble s’en revenir,
tout doucement,
le temps du brun.
Le Poète

S’il n’a pas les pieds sur terre
c’est que sa tête est un ballon
c’est cette absence de montgolfière
qui nous impose les bas-fonds.


Il est gros d’un autre monde
jusques aux yeux enceint
de ses eaux , l’hécatombe,
de son ventre, demain!...


Quand viendront les six pieds sous terre
quand auront crevé les ballons
alors nous serons un peu plus frères
enfin nous lui ressemblerons.

Souvenirs en...... couleurs

Souvenir en jaune

Dans les champs,
c’étaient les tournesols,
jaune orangé,
et, dans mon esprit,
l’oreille coupée,
omniprésente,
Auvers, hara kiri,
le mal de vivre,
l’homme maudit,
l’alcool, vin jaune,
et, bien au dessus de ma tête,
le disque mordoré,
le témoin éternel
de nos fragilités,
pauvres poussières,
grains de safran.




Souvenir en blanc


Mariage en blanc,
c’était un idée saugrenue,
dans cette famille sans foi.
Tu étais virginale,
tu en avais l’air,
faux semblant.
Le ciel nous surprit,
en lâchant,
sur le troupeau
endimanché,
les plus beaux flocons
qu’on ne vit jamais,
au joli mai.
Ce fut une victoire éclatante
du blanc que tu avais choisi,
une confirmation,
éblouissante,
de ton choix obstiné.
Mariage pluvieux
mariage heureux.
Mais mariage neigeux?







Souvenir en saumon


Du bord,
je la voyais prendre
juste sous les arbres
de la rive opposée
pour avoir une chance,
il me fallut
marcher un peu dans l’eau
ce qui ne l’arrêta pas
j’eus beau lui passer et repasser
ma mouche parfaite, rien.
Elle se sentait à l’abri
jusqu’à l’erreur qui la conduisit
dans la poêle familiale
dont elle débordait de partout.
Sa chair était
d’une belle couleur
saumon.
Je voudrais crever


je voudrais crever avant d’avoir un cancer
je voudrais crever avant que mes jambes ne me portent plus
je voudrais crever avant la sénilité
je voudrais crever avant la fin programmée du tabac
je voudrais crever avant d’avoir la tremblote
je voudrais crever avant d’être aveugle
je voudrais crever avant mes enfants
je voudrais crever avant la dernière baleine
je voudrais crever avant les insomnies
je voudrais crever avant d’avoir eu du succès
je voudrais crever avant d’être ruiné
je voudrais crever avant de devoir marcher avec une canne
je voudrais crever avant d’avoir froid
je voudrais crever avant que la France soit devenue un parc disney géant
je voudrais crever avant de me voir flasque dans le miroir
je voudrais crever avant de devoir arrêter le pinard
je voudrais crever avant la fin des abeilles
je voudrais crever avant la quatrième
je voudrais crever avant la victoire de la bêtise
je voudrais crever avant tous mes amis pour ne pas aller à leur enterrement
je voudrais crever avant le retour du fascisme
je voudrais crever avant toi
je voudrais crever avant d’être vieux.. Trop tard!... Mais j’aurais aimé
je voudrais crever avant qu’on ait encore trouvé la solution
je voudrais crever avant la réélection de Napoléon
je voudrais crever avant qu’on ait décidé que les humains sont décidément trop nombreux
je voudrais crever avant d’avoir alzheimer
je voudrais crever avant d’avoir connu l’inéluctable libidinosité des vieillards
je voudrais crever avant d’avoir l’envie de jouer au loto
je voudrais crever avant de faire sous moi
je voudrais crever avant les pilules “viande” ou “salade”
je voudrais crever avant la retraite à 70 ans
je voudrais crever avant l’espoir de tout changer
je voudrais crever avant la fin de l’école
je voudrais crever avant que l’équipe de France ait encore gagné un hochet
je voudrais crever avant la victoire de l’écologie telle qu’on la conçoit aujourd’hui
je voudrais crever avant que ne soit tari l’oued au bord duquel j’attends le cadavre de mon ennemi
je voudrais crever avant qu’on ait oublié Aragon
je voudrais crever avant la victoire des fraises tagada
je voudrais crever avant qu’on m’ait greffé mon téléphone
je voudrais crever avant que le monde ait compris en quoi la France d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle paraît être
je voudrais crever avant que mes piles ne soient vides
je voudrais crever avant l’idée même de révolution
je voudrais crever avant de puer du bec sans arrêt
je voudrais crever avant de me renier
je voudrais crever avant la fin de la pensée
je voudrais crever avant la fermeture des musées
je voudrais crever avant la justice nulle part, la police partout....
je voudrais crever avant d’avoir besoin d’un sonotone
je voudrais crever avant que toute notre société ne ressemble à “on achève bien les chevaux”.....
je voudrais crever avant d’avoir gagné mes combats....
je voudrais crever avant d’avoir connu la reconnaissance de tous ceux que je conchie aujourd’hui
je voudrais crever avant d’avoir vu “ça”
je voudrais crever avant ......


Et merci à Boris......
Une, deux, Troie...

Tout Achille a son Pâris
Tout guerrier est mortel
Tout héros est condamné à tomber.
Chacun de nous rencontrera,
Quelque jour,
Celui ou celle
Qui le mettra à bas.
Que celui pour qui
Cette heure inéluctable
N’a pas encore sonné
Ne se fourvoie pas.
Si sa chance peut l’aveugler,
Quoi qu’il en soit,
Quand que ce soit,
Ce jour viendra.
Volutes


Je fume,
tu en grilles une,
il ou elle clope,
nous nous droguons,
vous consommez de l’herbe à Nicot,
elles ou ils pétunent...

Et alors?.....
Printemps


Un jour viendra
où je ne verrai pas
le renouveau,
le bourgeonnement,
le recommencement
de toute chose
toi, qui me survivras,
tu seras, encore une fois,
emportée par la joie
de la sève éternelle
qui accompagne le printemps
et, si tu songes encore à moi,
souviens-toi
de mon amour immodéré
pour cette saison.
Instant dernier



Il est un matin
Dont je n’aurais pas aimé
Dont je n’aimerais pas
Que la vie me le donne à vivre
Celui où, s’il s’était trouvé,
Si cela se trouve,
On devrait me fusiller
Pour quelque acte de bravoure,
Pour avoir résisté.
Je suis certain que,
le jour apparaissant,
J’oublierais pourquoi
Je dois mourir,
Je ne trouverais aucune raison
A cet acte odieux,
A cette fin programmée,
Mon corps refuserait
Ce que ma raison, peut-être,
Pourrait connaître
Affronter ce désert,
Ce moment hors du temps,
Je ne suis pas assuré
Que j’en aurais été capable
Que je saurais le vivre
Comme le dernier moment de vie.
Et ce matin-là,
Le soleil,
A jamais sans pitié,
Se serait quand même levé.
Accord



Le Mont Blanc et la plume,
L’Everest et le vent,
Le ramage, le plumage,
Le mondain et le gueux,
Le tintamarre et le silence,
Le disert et le taiseux,
Le mot et la chose,
La raison, la folie,
Le léger et le pesant,
Où conciliables?
Si ce n’est en nous...
Du pareil au même


On n’est pas très beau
on n’est pas très malin,
des fois bien pire que ça,
on ne sait rien de l’avenir,
si ce n’est la toute fin
qui nous tord si fort les tripes,
on est perdu,
souvent minable,
on s’est coupé les ailes,
on ne rêve plus,
petite vie, petit train train,
et, pourtant,
on ne cesse de se reproduire.
On doit bien s’aimer un peu.
Lettre à la femme que je n’ai jamais trouvée.


J’ai remonté mille ans
le cours de l’Alesson,
j’ai griffé mes mains
brûlé mes pieds,
meurtri mon corps,
égratigné ma peau,
pataugé, marché encore,
manqué me noyer,
failli périr dans des sols mouvants,
déchiré mes vêtements
et mon paletot
j’ai starvé to death,
j’ai vu les géants
végétaux et séculaires
que tu m’avais décrits en rêve,
j’ai entendu gémir le monde,
j’ai vu se lever tous les soleils,
j’ai craint la nuit,
Tremblé, grelotté,
et puis marché encore
sans jamais atteindre
la source des eaux
mais, pire que tout,
sans jamais te trouver.
Fable


Un âne, éduqué, bien vêtu,
tout à fait propre, s’en allait,
à vélo, oreilles au vent,
à la foire locale
pour y acquérir une friandise
apte à calmer sa gourmandise.
Quelle ne fut pas sa surprise,
une fois son vélo posé,
de découvrir,
derrière son étal préféré,
non point l’habituelle ânesse
souriante, certes,
mais par trop épaisse
pour être désirée,
mais une chèvre,
tout à fait séduisante,
au regard langoureux,
au pelage fort seyant,
aux galbes affolants.
Commander une sucrerie,
lorsqu’on le fait par signe,
n’est pas si difficile.
Mais parler d’amour!...
L’âne rumine, s’embrase,
finit par s’emporter
et sa bouche n’émet,
d’évidence, que des sons
peu harmonieux.
La foire s’émeut,
la chèvre tremble, appelle:
on expulse le bruyant,
on le chasse.
Il proteste:
son intention n’était
que de séduire.
Qu’on soit éduqué,
dressé, qu’on sache ou non
faire du vélo,
lorsqu’on est un âne,
on ne saurait que braire.
Nuées


De sombres nuées planaient sur ma raison.
Icare, Icare, en quoi
me serais-je exposé au rayonnement?
Et de quel soleil violacé
me serais-je approché?
Le silence et le vide
de la plaine dévastée
où erre ma rêverie
ont fini par m’atteindre.
Marche arrière? Renoncer?
Plutôt reprendre des forces.
Dans quelque bras,
dans l’acceptation,
dans la vie un peu oubliée,
celle de mes organes,
celle qui me transporte
où je dois aller.
Demain, demain...
Reprendre le chemin.
A Villon

Villon, ami, frère,
par delà le temps,
contre toi le coeur
si peu endurci.

Phantasme de brigand
à la fois poète et génie,
gibet, mandragore, homoncule
Toi, si peu croyant,

Sur le chemin
de ceux qui ne croient,
une pierre,
que j'aime.